Cinéma-débat : Lulu, femme nue
Article mis en ligne le 28 décembre 2013

par Universite Populaire Toulouse

Jeudi 23 janvier à UTOPIA Toulouse, projection suivie d’une rencontre autour du film avec Jacqueline Martin, enseignante à l’Université de Toulouse Le Mirail, une des fondatrices des Études Genre à Toulouse. Soirée organisée avec l’Université Populaire de Toulouse (achetez vos places à partir du 15 janvier).

LULU, FEMME NUE

Solveig Anspach - France 2013 1h30mn - avec Karin Viard, Bouli Lanners, Claude Gensac, Nina Meurisse, Pascal Demolon, Philippe Rebbot, Marie Payen, Corinne Masiero, Solène Rigot, Thomas Blanchard... Scénario de Solveig Anspach et Jean-Luc Gaget, d’après la bande dessinée d’Etienne Davodeau (Ed. Futuropolis).

Elle est super, Lucie. Elle est chouette, elle est belle, elle est intelligente, Lulu. Mais elle ne le sait pas. Ou elle ne le sait plus. La vie lui a fait oublier qu’elle était vivante. Généreuse, rieuse, ouverte, désireuse et désirable. Peu à peu, insensiblement, elle est devenue une épouse, une mère de trois enfants. Ça et rien que ça. Elle s’est réduite à son seul rôle familial, elle s’est étiolée, elle s’est éteinte. Et tout le propos de ce film épatant, aussi chouette que son héroïne, sera de nous raconter le retour de Lulu à la vraie vie, à la lumière, au grand air. Ce n’est pas pour rien que l’action se passe quasi intégralement sur la côte vendéenne, battue par les flots, fouettée par le vent du large… Tout commence par un entretien d’embauche qui vire au cauchemar. Lulu se présente dans une petite entreprise de Saint-Gilles-Croix-de-Vie et essaie de convaincre le DRH de sa motivation, de son envie de travailler, de son dynamisme. Son interlocuteur est d’une courtoisie glaciale et prend un malin plaisir à lui faire remarquer à quel point elle est terne, à quel point elle paraît lasse, à quel point elle est mal fagotée, à quel point elle « se vend mal », à quel point elle n’a aucune chance de décrocher un boulot dans ces conditions… Et par dessus le marché, lorsqu’elle téléphone à son mari pour lui annoncer que l’entretien ne s’est pas bien passé du tout, c’est pour s’entendre dire : « je te l’avais bien dit, j’en étais sûr, tu as voulu faire ton intéressante, voilà le résultat… »

L’humiliation pourrait être destructrice, elle va agir au contraire comme un déclic. Sans qu’elle le décide vraiment, elle ne va pas rentrer chez elle comme prévu. Elle fait un pas de côté. Elle rappelle la maison : « c’est bête, j’ai raté mon train, je vais être obligée de passer la nuit à Saint-Gilles… » Elle prend donc une chambre d’hôtel et va se balader. Les rues, le port, la plage, les rochers. Seule, à son pas, à sa guise. Sans contrainte domestique, pour la première fois depuis des années et des années d’obligations consenties. Le plaisir simple de prendre son temps, d’ouvrir les yeux, de respirer. C’est ça : le plaisir simple et incomparable de respirer. Alors tout naturellement elle va prolonger cette parenthèse ouverte sans préméditation. Elle reste à Saint-Gilles, malgré le mari qui commence à râler sévère, malgré sa fille aînée qui crie presque à la trahison, malgré sa sœur qui s’inquiète. Lulu brise les amarres, Lulu s’évade, Lulu retrouve peu à peu une vieille connaissance qu’elle avait perdu de vue : elle-même… Et ces retrouvailles passent par de belles et profondes rencontres, de celles qui se produisent, sans qu’on les provoque, sans qu’on les cherche. De celles qui vous changent et vous ouvrent des horizons. La plus importante, la décisive, ce sera celle avec Charles, un drôle de bonhomme un peu asocial mais très doux et tendre et charmant (Bouli Lanners, beau comme on ne l’avait jamais vu), flanqué de deux frères impayables qui se sont donnés pour mission de le protéger de la dureté ordinaire de la vie : ça nous vaut quelques scènes absolument hilarantes… Et puis il y aura Marthe, une vieille femme à la langue bien pendue, qu’elle va approcher dans des circonstances pour le moins rocambolesques et chez qui elle va s’installer pour un temps. Et puis Virginie, une jeune serveuse de bar trop tôt résignée, que Lulu va pousser à reprendre son vol, histoire de ne pas la voir se mettre en cage volontairement comme elle…

Le film est souvent drôle, toujours juste et touchant, et porteur d’un optimisme contagieux qui nous attache d’autant plus au parcours picaresque de cette lumineuse Lulu, magnifiquement incarnée par une Karine Viard impériale.