Cinéma-débat : " Le prix à payer "
Article mis en ligne le 4 janvier 2015

par Universite Populaire Toulouse

Avant-première mardi 27 janvier à 20h30 à UTOPIA Toulouse, suivie d’un débat avec les syndicalistes aux Finances Publiques Boris Baudoin (CGT) et Régis LAGRIFOUL (Solidaires), organisé avec l’Université Populaire de Toulouse.

LE PRIX À PAYER

(THE PRICE WE PAY) Harold CROOKS - documentaire Canada 2014 1h33mn VOSTF - Écrit par Harold Crooks et Brigitte Alepin, d’après son livre.

En ces temps de tourments économiques et sociaux qui, dans le monde entier, affectent brutalement les plus fragiles, voici un film salutaire et pédagogique qu’il faut montrer* à toutes celles et ceux qui sont persuadés de ne rien entraver à la complexité des règles économiques que nous subissons, sans avoir le plus souvent les outils pour les décrypter et encore moins les armes pour les combattre. Un film passionnant, antidote à la fatalité pour celles et ceux qui se résigne à croire que les inégalités et l’austérité sont les conséquences inévitables de la crise. Le documentariste Harold Crooks est parti enquêter, de la City de Londres jusqu’aux îles anglo-normande ou des Caraïbes en passant par le Luxembourg, sur les paradis fiscaux et sur les nouvelles pratiques des grandes firmes internationales pour échapper à tout impôt dans les états où elles génèrent leurs profits.

Harold Crook n’est pas un perdreau de l’année question journalisme et cinéma d’investigation. Bhopal en quête de justice, film qu’il a produit pour la télé canadienne, montrait le rôle criminel de l’industrie chimique dans une des plus terribles catastrophes industrielles et écologiques de l’histoire, qui provoqua plusieurs centaines de morts et des milliers de contaminations, à l’origine de malformations génétiques sur plusieurs générations. The Corporation, dont il a écrit le commentaire, montrait les ambitions dévorantes des multinationales… On voit que notre homme ne fait pas de cadeaux au capitalisme triomphant…
On ne pourra pas pour autant accuser ce film d’être un pensum gauchisant nourri exclusivement d’intervenants anticapitalistes notoires. A côté des militants de la transparence financière et d’économistes médiatiques comme Thomas Piketty, Harold Crooks a interrogé des représentants de la très officielle OCDE mais aussi retrouvé de nombreux acteurs plus ou moins repentis de la bulle financière des paradis fiscaux. Banquiers des îles Caïman et ancien vice-président de Goldman Sachs déballent ainsi de manière assez stupéfiante les petites combines fiscales des multinationales. Le documentaire revient aux origines, quand la City of London, Etat dans l’Etat au cœur du Grand Empire Britannique, créait aux lendemains de la guerre ces petits paradis offshore où les fortunes de leurs clients pouvaient s’exempter de l’impôt : Caïmans, Jersey, Iles Vierges… Mais c’est bien aujourd’hui que se déploient sans vergogne les grandes combines des géants comme Amazon, Apple ou Google pour externaliser leurs profits (tous les profits européens d’Amazon sont par exemple centralisés au Luxembourg), et ainsi échapper aux impôts nationaux : leurs basses manœuvres intéressent au plus haut point les commissions parlementaires britanniques ou américaines dont les auditions édifiantes émaillent le film de manière quasi cocasse.

Mais au-delà de l’aspect presque risible de l’arrogance affichée par les représentants de ces entreprises pratiquant l’évitement fiscal, c’est un drame économique et social qui se joue. Ce sont plusieurs millions d’euros ou de dollars qui manquent aux Etats nations, qui auraient dû être légitimement perçus, qui ne sont donc pas redistribués dans le cadre des politiques sociales, justifiant ainsi les cures d’austérité imposées aux différents états, entretenant par conséquent les inégalités croissantes. On est effaré au passage par l’incapacité des fiscalités nationales, archaïques et inopérantes faute de coopération internationale réellement efficace, à maitriser des flux financiers qui ne prennent plus que quelques secondes. Pourtant, comme le soulignent certains intervenants, les remèdes sont connus : harmonisation des politiques fiscales à l’échelle européenne, taxes même symboliques sur les transactions financières… Des mesures a minima, immédiatement décidables, afin que la démocratie cesse enfin d’être bafouée par certains acteurs du marché et que les Etats regagnent ce que l’on appelle à juste titre leur « richesse manquante », ou plutôt celle de tous.