Un renouveau de la critique syndicale ?
Par Sophie Béroud
Article mis en ligne le 14 septembre 2011

par Universite Populaire Toulouse

L’engagement de Pierre Bourdieu pendant les grèves de 1995 ne signifie pas pour autant qu’il menait une réflexion approfondie sur le mouvement syndical et en appréhendait toutes les contradictions. C’est en fait un rapport politique au syndicalisme qu’il a affirmé.

L’engagement de Pierre Bourdieu aux côtés des grévistes de l’automne 1995 puis des chômeurs en lutte lors de l’hiver 1997-1998 a suscité un certain nombre de débats sur le rapport du chercheur à l’action militante d’une part, et sur le degré de formalisation d’une analyse du mouvement social dans le corpus constitué par la théorie des champs d’autre part.

Dans le cadre de ces controverses politiques et scientifiques, l’intérêt porté par Pierre Bourdieu au syndicalisme n’a guère été discuté. Il est vrai que les références à l’objet syndical sont rares dans l’ensemble de son œuvre et qu’à aucun moment Pierre Bourdieu n’a entendu mener, de façon approfondie, l’exploration des luttes symboliques dans le champ syndical. Pour autant, la route du professeur au collège de France n’a pas été sans croiser celle des organisations syndicales françaises : en décembre 1981, quand, avec Michel Foucault, il contacte la CFDT pour que celle-ci s’associe à l’appel des intellectuels contre la répression de Solidanorsc en Pologne [1] ; durant toute la période qui s’étend entre 1995 et 2001, avec l’organisation des états généraux du mouvement social, puis la tentative de lancement d’un mouvement social européen. Dès son intervention devant les cheminots en grève de la gare de Lyon, le 12 décembre 1995, Pierre Bourdieu insiste sur l’impératif d’une interaction entre la critique intellectuelle et l’action syndicale, s’efforçant de déconstruire les accusations, largement véhiculées par les médias et forgées par les zélateurs du plan Juppé, qui taxent d’archaïque et de conservateur le mouvement social alors en cours. Nous partirons de ce rapport politique au syndicalisme, parfois énoncé dans un registre plus normatif qu’analytique, pour questionner plus avant l’apport des outils théoriques forgés par le « constructivisme structuraliste » pour renouveler l’interprétation du syndicalisme en tant que fait social.

Une critique politique du syndicalisme

Bien que les contextes éclairant la prise de position contre le coup de force du général Jaruzelski et l’engagement auprès des grévistes de décembre 1995 s’avèrent très différents, une mise en parallèle des arguments avancés par Pierre Bourdieu dans les deux situations apporte un premier élément de réflexion. Interrogé en décembre 1981 sur le sens de sa démarche en direction de la CFDT, Pierre Bourdieu affirme que « le seul contre-pouvoir efficace […], c’est la critique intellectuelle et l’action des syndicats », ajoutant qu’il « s’agit de donner une forme sociale à la critique intellectuelle et une forme intellectuelle à la critique sociale [2] ». Or, la nécessité de mettre en œuvre cette coopération entre syndicalistes et chercheurs, ce travail politique collectif entre « ceux qui sont en mesure d’orienter efficacement l’avenir de la société, associations et syndicats notamment » et « les intellectuels, écrivains, artistes, savants, etc. [3] » est réaffirmée avec beaucoup plus de force à partir de décembre 1995. La plupart des interventions que prononce alors Pierre Bourdieu [4], et qui souscrivent de façon explicite à l’objectif de stimuler la résistance au néolibéralisme, accordent une large place à la définition normative de ce que devrait être et de ce que devrait faire un mouvement syndical européen.
La critique du syndicalisme formulée dans ces derniers textes au statut particulier – dans le sens où ils sont indissociables de leur fonction d’appui aux luttes sociales – s’appuie sur une vision contrastée, énoncée soit sur le mode positif, soit sur le mode négatif. D’un côté, Pierre Bourdieu ne cesse d’appeler de ses vœux l’avènement d’un nouvel internationalisme, seul cadre d’action susceptible de produire une réponse collective efficace face aux forces du marché, organisées quant à elles au niveau mondial et servies par un immense appareil de propagande. Il suggère que cet internationalisme repose sur une triple base, syndicale, intellectuelle et populaire, mais attribue aux organisations syndicales la tâche fondamentale de peser sur la transformation de l’Europe libérale en une Europe enfin sociale et la mission de développer une action revendicative internationale, vecteur d’une alliance durable entre les travailleurs des différents pays européens [5]. Le rôle du syndicalisme est ici globalement valorisé : l’analyse de la précarisation croissante du salariat, nouvelle forme de discipline sociale, et des attaques portées contre les conquêtes sociales liées à l’État-providence débouche sur une valorisation de sa fonction mobilisatrice et de sa capacité à produire une autre vision du monde social. Dans cette « invention collective des structures d’invention collective qui feront naître un nouveau mouvement social [6] », le syndicalisme a donc toute sa place et son concours est jugé indispensable. C’est d’ailleurs sur la base de cette recherche commune des modalités et du contenu d’un travail politique multiforme que l’équipe de Raisons d’agir s’est efforcée d’établir des liens avec la CGT et avec les syndicats SUD.
D’un autre côté, pourtant, le propos sur les syndicats s’avère parfois outrancier dans la dénonciation des travers qui brident leur combativité. La mission de résistance face au néolibéralisme ne pourra concerner qu’un « syndicalisme rénové », ayant accompli une série de ruptures, par rapport au cadre national, à l’État, à la pensée du consensus et par rapport à l’intériorisation du fatalisme économique. La forme historique du syndicalisme héritée de la période keynésiano-fordiste semble non seulement caduque, mais aussi à proscrire. « Transformés en instances para-étatiques, souvent subventionnées par l’État, les bureaucraties syndicales participent à la redistribution de la richesse et garantissent le compromis social en évitant les ruptures et les affrontements [7] ». La condamnation s’effectue sur un mode catégorique et bien qu’il se défende de toute « syndicalophobie », Pierre Bourdieu n’hésite pas à louer, de façon unilatérale, les méthodes d’action des mouvements sociaux [8], à souligner l’apport des « leaders d’un type nouveau qui sont dotés d’une culture politique très largement supérieure à celle des responsables traditionnels [9] » pour mieux établir un contraste avec la paralysie des organisations syndicales encore dépendantes de la forme ancienne de l’internationalisme, éminemment bureaucratique et en partie modelée par sa soumission à l’URSS. Encore une fois, Pierre Bourdieu se défend de vouloir dresser les mouvements sociaux qui ont occupé la scène de la protestation sociale en France depuis l’été 1996 contre les syndicats et entend inviter les uns et les autres à mieux comprendre la vision que chacun entretient de l’autre. Cependant, en ce qui concerne les syndicats, les recommandations présentées comme prioritaires – création d’une école syndicale européenne, invention d’un type nouveau de syndicalisme et d’internationalisme « capable de surmonter la fragmentation par objectifs et par nations », institution de « coordinations de syndicats d’industries […] sur le modèle de ceux qui existent dans les transports [10] » – laissent transparaître une méconnaissance partielle de l’existant et de la genèse des formes historiques de syndicalisme. Derrière ces conseils, parfois trop sommaires, s’esquisse toutefois une critique de l’incapacité des syndicats, comme appareils de mobilisation, à sortir d’un mode de représentation délégataire et à produire de nouvelles solidarités.

Sur la pertinence de la notion de champ syndical

Une approche plus analytique du fait syndical peut être déduite à la fois des textes de Pierre Bourdieu sur le champ politique [11] et des quelques pages qu’il a consacrées au phénomène de la grève dans Questions de sociologie [12]. Une première étape s’impose dans le raisonnement : la référence à la notion de champ est-elle susceptible d’apporter des éléments heuristiques pour la compréhension des phénomènes qui affectent le syndicalisme dans sa structure et dans ses fonctions ? Il s’agit ici de réfléchir à l’homologie que présenterait ce champ au regard de ceux qui ont été directement analysés dans l’œuvre sociologique de Pierre Bourdieu.

La fondation du tribunal des prud’hommes, l’instauration des mécanismes et des règles de la négociation collective et du paritarisme, la création d’instances de représentation des salariés au sein de l’entreprise et de l’administration sont autant de processus d’institutionnalisation qui ont contribué à façonner un système apparemment régi par ses propres lois et disposant de ressources propres. Le traitement médiatique de « l’actualité sociale » tend, de plus, à renforcer l’apparente autonomie de ce champ : dès lors qu’il est question d’une réforme relative au monde du travail, le gouvernement en place procède à des consultations, prétend le plus souvent privilégier le « dialogue social » et reçoit, en tête à tête ou lors de « grandes messes » à Matignon, les représentants des cinq confédérations françaises déclarées représentatives au niveau interprofessionnel. Au nom de ce qui est présenté comme la « démocratie sociale » – et il s’agit d’entendre ici le résultat d’une construction historique et nationale du dispositif de négociations collectives et des règles de représentativité –, les confédérations syndicales qui adhèrent à cet univers de référence défendent avec insistance leur statut d’interlocutrices du patronat et de l’État ainsi que leur droit à parler au nom de l’ensemble des salariés. Les sciences sociales participent aussi à la construction de telles représentations : l’histoire et la sociologie du syndicalisme se limitent le plus souvent, en effet, à présenter l’origine et l’évolution des organisations syndicales. La propension à la métonymie y est fortement marquée : comment éviter, d’ailleurs, d’écrire que « la CGT s’investit dans la grève » ou, autre exemple anodin, que la « CGT traverse une crise d’orientation », sans simplifier le réel ? La plena potentia agendi joue ici pleinement. Le groupe des syndiqués, addition de salariés en divers endroits du territoire et dans divers secteurs professionnels, n’existe qu’au travers de l’organisation auquel il est affilié et cette dernière s’exprime au travers du secrétaire général, censé parler au nom de tous. Le champ syndical, entendu de cette façon, devient un tout petit monde il n’est guère étonnant, au regard de ce mode d’identification, qu’une maison d’édition soucieuse « d’informer les citoyens » sur le syndicalisme ait finalement réalisé une série de livres où la parole n’est donnée qu’au secrétaire général de chaque organisation [13].

Le champ syndical renvoie effectivement à un microcosme codifié où la distinction entre « professionnels » (les militants aguerris, les permanents, les commentateurs) et profanes pèse de façon évidente. Les rites des congrès, les modes d’organisation, les références aux scissions (à cette histoire commune qui est aussi l’histoire des divisions) ne revêtent de sens que pour les initiés. Le champ syndical s’apparente aussi à un champ de forces où la possession du critère de représentativité détermine une hiérarchie entre les organisations admises dans le cercle de la négociation collective, et financées par l’argent public, et celles à qui cet accès s’avère encore refusé. Les cinq organisations « adoubées » par les pouvoirs publics (CFTC, CFDT, CFE-CGC, CFTC, FO) jouissent de la « présomption irréfragable de représentativité » qui les autorise à signer un accord d’entreprise même si un seul et unique militant anime leur section dans cette même entreprise, tandis que des nouvelles forces comme les syndicats SUD doivent faire la démonstration de leur audience réelle lors des élections professionnelles pour espérer obtenir ce droit.

Or, ce champ de forces est aujourd’hui fortement ébranlé par les luttes qui le traversent et qui contestent la répartition de ce « capital » de légitimité. L’action gouvernementale et, dans une moindre mesure, le traitement médiatique dont le champ syndical fait l’objet, contribuent comme il a été dit à son ossification : entre le « dialogue social » à Matignon et la réalité des mobilisations sur le terrain, dans les entreprises et les établissements, la distance ne cesse de s’accroître. Les tensions à l’œuvre dans l’univers syndical où de nouvelles organisations se sont constituées à la suite de procédures d’expulsions dès la fin des années quatre-vingt (SUD-PTT, FSU) et où de nouveaux regroupements interprofessionnels ont pris forme (Union syndicale G10 Solidaires, UNSA) au cours des années quatre-vingt-dix, dépassant en nombre d’adhérents certaines des confédérations dites représentatives [14], incitent paradoxalement à relativiser l’idée d’une fermeture sur lui-même de ce champ. De multiples influences interfèrent sur les rapports de force internes au monde syndical : qu’il s’agisse de l’appui logistique et juridique fourni par les pouvoirs publics, de la stratégie gouvernementale, des relations établies avec une force partisane ou encore de l’intensité des luttes sociales. En ce sens, s’il peut être intéressant de déconstruire les références dominantes et tacitement admises par les appareils syndicaux, de rendre compte des comportements des « professionnels » syndicaux soucieux de se répartir les bénéfices disponibles dans l’organisation, la notion de champ paraît ici insuffisante pour restituer l’ensemble des interactions sociales qui permettent d’expliquer l’évolution du mouvement syndical.

Le syndicat, appareil de mobilisation dans le champ des luttes sociales

Les éléments d’interprétation liés à la théorie des champs n’apportent finalement pas grande nouveauté, au regard de l’objet syndical, par rapport à ce que Robert Michels ou Michel Collinet [15] ont écrit sur les processus d’institutionnalisation et de bureaucratisation au sein des organisations ouvrières. Pierre Bourdieu s’appuie d’ailleurs à maintes reprises sur les analyses du premier. Un apport plus consistant du regard qu’il a porté sur l’objet syndical réside, à notre sens, dans l’appréhension de celui-ci comme appareil de mobilisation susceptible de contribuer à l’unification du champ des luttes de travail. L’intérêt se porte ici sur le travail politique que réalise le syndicat pour réussir à dire et à incarner le groupe social des travailleurs et pour définir les enjeux et les moyens légitimes de la lutte. Nous retrouvons, en fait, une des idées centrales du « constructivisme structuraliste », théorie sociologique pour laquelle l’enjeu de la lutte est toujours un enjeu de luttes.

Dans sa contribution sur « La grève et l’action politique » précitée, Pierre Bourdieu illustre sa démonstration avec l’exemple de la grève dite politique, et par là même illégitime dans le cadre d’une définition étroite du social, opposée à la grève légitime car limitée à la défense immédiate et concrète des salariés. D’autres exemples des impensés ou des présupposés à l’œuvre dans la conception même de la lutte pourraient être retenus, comme l’opposition entre revendications quantitatives et revendications qualitatives qui a marqué la relation entre la CFDT et la CGT au cours de la décennie soixante-dix. Lorsque les salariés de Cellatex, en juillet 2000, décident de déverser de l’acide dans un affluent de la Meuse et menacent ensuite de « faire sauter » leur usine, en réaction à la liquidation judiciaire de celle-ci et à leur licenciement collectif – dans une région dite « sinistrée » par le chômage et la désindustrialisation – le secrétaire général de la fédération concernée se rend sur place dans le but explicite de mettre fin à telles modalités d’action [16]. L’organisation syndicale participe bien ici à la détermination de l’éventail de la structure des revendications et contribue à disqualifier le sabotage comme une forme de violence illégitime, tout en admettant, sur le mode implicite, le caractère inévitable de la violence économique.

Un deuxième cas de figure s’avère extrêmement parlant : la longue grève menée par les jeunes salariés précaires du Mc Donald’s de Strasbourg Saint-Denis lors de l’automne 2001 a été à la fois accompagnée par la structure syndicale (la fédération du commerce et l’union locale CGT) et en partie rejetée. Les permanents de la CGT chargés de soutenir l’action ont reproché aux jeunes grévistes leurs modalités de lutte (avec des opérations de blocage des autres restaurants Mc Donald’s de la capitale, des détournements de publicité, des interventions médiatiques spontanées, etc.) et ont dénigré un « activisme stérile », opposé à l’enjeu d’une implantation syndicale durable. Arborant casquettes et drapeaux CGT, les jeunes grévistes, en réaction, n’ont pas compris ce rigorisme quant aux formes de lutte et se sont indignés du refus de l’organisation de s’investir dans un comité de soutien à la fois ouvert et pluriel, politique, associatif et syndical. Au cours de cette grève, la CGT est apparue à leurs yeux comme partie prenante de l’institution à laquelle ils s’affrontent depuis l’école et certains d’entre eux n’ont pas hésité à assimiler, au grand dam des responsables cégétistes, les permanents syndicaux à des « patrons ».

Or, cet exemple permet de reprendre une deuxième question formulée par Pierre Bourdieu sur la capacité dont font preuve les syndicats pour unifier le champ des luttes du travail : « On peut, à propos de chaque état du champ, s’interroger sur son degré de fermeture et se demander par exemple si le centre réel de l’existence de la classe ouvrière est dans le champ ou hors du champ [17] ». Les luttes de précaires pointent avec évidence la difficulté des organisations syndicales à prendre la mesure de l’ensemble des conséquences sociales engendrées par la destructuration du monde ouvrier et leur inaptitude à combler les fractures existantes dans la transmission de l’héritage symbolique lié à l’histoire des luttes [18]. Le fait que les organisations syndicales ne parviennent plus (ou pour certaines, comme la CFDT actuelle, n’entendent plus) à dire le groupe des plus opprimés, dans ses diverses composantes, contribue à l’affaiblir : ce qui ne signifie pas pour autant, de notre point de vue, que ce groupe ou cette classe disparaisse en tant que réalité en soi [19]. En ce sens, le syndicalisme est bien pris en étau entre un processus économique qui unifie le champ des luttes du travail au niveau international, alors que lui-même continue à s’organiser de façon prioritaire au niveau national, et un processus de démolition des représentations et des solidarités collectives sur lesquelles il avait assis sa capacité de mobilisation.

Déconstruire la doxa libérale

Il paraît important, en conclusion, de revenir à l’injonction que Pierre Bourdieu n’a cessé d’adresser aux organisations syndicales à partir de 1995 pour qu’elles participent à la mise à nu de la doxa libérale. Nous avons qualifié cette analyse de normative dans la mesure où, si elle tombe sous le sens politique, elle néglige la complexité du fait syndical. Une dimension n’est jamais évoquée par Pierre Bourdieu alors même qu’elle est depuis longtemps au cœur des controverses sur le syndicalisme, et notamment au centre de l’analyse marxiste. Il s’agit de la contradiction entre la nécessité de construire une organisation majoritaire et l’impératif de mener une lutte efficace contre le système capitaliste, c’est-à-dire la contradiction entre un syndicalisme de masse et un syndicalisme de classe ou, pour le dire encore autrement, entre l’obtention d’améliorations immédiates et la poursuite d’un projet d’émancipation sociale. Institution à part entière de la démocratie libérale, le syndicalisme doit en fait combiner sa participation à celle-ci et son action en tant que vecteur de mobilisation et de conscientisation. Rejeter l’intégration au système revient à accepter de se marginaliser face à la plus grande partie du salariat (qui n’a même pas accès au syndicat comme institution en ce qui concerne les salariés des PME), et jouer le jeu de l’incorporation à s’exposer au développement d’une porosité croissante face à l’idéologie dominante. Peut-on demander au syndicalisme, comme aux mouvements sociaux, d’assumer toutes les tâches sans se méprendre sur leurs fonctions premières ? L’analyse de cette tension, constitutive du fait syndical, demeure essentielle à toute entreprise de rénovation de la critique sociologique et politique.

Publié par Mouvements, le 21 mai 2007. http://www.mouvements.info/Un-renouveau-de-la-critique.html

Notes

[1] P. Bourdieu, Interventions, 1961-2001, Science sociale et action politique, Agone, 2002, pp. 165-172.

[2] « Retrouver la tradition libertaire de la gauche », entretien avec René Pierre et Didier Eribon paru dans Libération, 23 décembre 1981 in P. Bourdieu, Interventions, 1961-2001, Science sociale et action politique, op. cit., p. 166 et p. 168.

[3] P. Bourdieu, « Contre la destruction d’une “civilisation” », Contre-feux, Raisons d’agir, 1998, pp. 32-33.

[4] Reprises dans les deux volumes de Contre-feux, Raisons d’agir, 1998 et 2001.

[5] P. Bourdieu, « Contre la politique de dépolitisation », Contre-feux 2, op. cit., pp. 64-65.

[6] P. Bourdieu, « Les chercheurs et le mouvement social » in P. Bourdieu, Interventions, 1961-2001, Science sociale et action politique, op. cit., p. 469.

[7] P. Bourdieu, « Contre la politique de dépolitisation », Contre-feux 2, op. cit., p. 64.

[8] « Il faut prendre des risques. Il ne s’agit pas de défiler, bras dessus bras dessous, comme le font traditionnellement les syndicalistes le 1er mai. Il faut faire des actions, des occupations de locaux, etc. » in P. Bourdieu, « les chercheurs et le mouvement social », op. cit., p. 468.

[9] P. Bourdieu, « Contre la politique de dépolitisation », Contre-feux 2, op. cit., p. 59.

[10] P. Bourdieu, « Pour un mouvement social européen », Contre-feux 2, op. cit., p 21.

[11] P. Bourdieu, Propos sur le champ politique, Presses universitaires de Lyon, 2000.

[12] P. Bourdieu, « La grève et l’action politique » in P. Bourdieu, Questions de sociologie, Minuit, 1984, pp. 251-263.

[13] Il s’agit de la collection lancée par la maison d’édition L’Archipel et dont les trois premiers titres, parus en septembre 2002 très illustratifs de ce mode de représentation, sont : G. Aschieri, Qu’est-ce que la FSU ? ; M. Blondel, Qu’est-ce que FO ? ; B. Thibault, Qu’est-ce que la CGT ?. Seuls le Groupe des Dix et les SUD ont refusé de s’inscrire, non dans le projet, mais dans ce type d’identification d’une force syndicale à son plus haut représentant et réussi à faire accepter l’idée d’un ouvrage collectif.

[14] L’Union nationale des syndicats autonomes regroupe aujourd’hui 360 000 salariés, l’Union syndicale G-10 Solidaires 70 000 alors que la CFTC et la CFE-CGC sont sans doute passés en dessous de la barre des 70 000.

[15] R. Michels, Critique du socialisme, contribution aux débats au début du xxe siècle, Éditions Kimé, 1992 (réédition préfacée par Pierre Cours-Salies et Jean-Marie Vincent) ; M. Collinet, Esprit du syndicalisme, Les Éditions ouvrières, 1951.

[16] C. Larose, coord., Cellatex, quand l’acide a coulé, Syllepse, 2001.

[17] P. Bourdieu, « La grève et l’action politique », op. cit., p. 252.

[18] Une analyse fine de cette déconstruction est proposée au travers des entretiens de P. Bourdieu (dir.), La Misère du monde, Seuil, 1993.

[19] Nous nous appuyons sur P. Bourdieu, « Espace social et genèse de classes », « Actes de la recherche en sciences sociales », n° 52-53, 1984, pp. 3-14 et nous nous permettons de renvoyer à notre propre critique de la négation de la dialectique en soi/pour soi in S. Beroud, R. Mouriaux et M. Vakaloulis, Le Mouvement social en France, La Dispute, 1998.