6 ième journée de mobilisation contre la loi travail : un tassement problématique
Article mis en ligne le 11 avril 2016
dernière modification le 24 août 2022

par Marsanay

La manifestation du 9 avril est incontestablement moins massive que le 31 mars. Les chiffres de la CGT passent de 100 000 le 31 mars à 20 000 le 9 avril. Le différentiel est énorme ,80 000 et inexplicable, c’est probablement le produit d’une exagération constante du nombre de manifestants.

Pour autant, à vue d’œil le 9 avril la jeunesse n’était pas au rendez-vous. La coordination lycéenne avait bien précisé lors d’une intersyndicale les difficultés à être là le 5 et le 9. Les étudiants n’étaient pas plus nombreux le 9 que le 5 lire ici. Les salarié-e-s manquaient. La CGT, dont le cortège était le plus important, était loin des ses cortèges habituels du 9 et 31 mars qui peuvent être l’équivalent des autres cortèges réunis FO-Solidaires-FSU, voir plus.lire ici
La manifestation du samedi a été inventée par les syndicats, elle devait permettre à ceux et celles qui, travaillant dans de petites boites, pouvaient être en difficulté pour faire grève. lire ici
C’est ce qui a marché en 95, 2003, 2006, 2010, parce qu’alors la manif du samedi complétait la mobilisation de la semaine, grève reconductible et temps forts. Il n’y a pas, pour le moment, cette mobilisation,ainsi les salarié-e-s ayant fait grève et manifesté le 31, ne sont pas tou-t-e-s revenu-e-s le 9 et ceux-celles pour lesquel-le-s la manifestation était organisée ce samedi ne sont venu-e-s qu’en petit nombre.
Ceci montre que la solution pour se débarrasser de la loi travail, voire d’aller plus loin, est dans la grève d’abord. L’idée que ceux et celles qui sont dans de petites boîtes, sont en danger devant l’acte de la grève est certes un argument toujours légitime, néanmoins il cache le vrai problème, celui de la faiblesse des syndicats (1). Quand 70% de la population est pour le retrait de ce texte, cela signifie que la majorité des salarié-e-s y est favorable

. Favorable ne signifie pas pour autant être disponible, capable…d’organiser dans une boîte, sans représentation syndicale, et/ou sans une solide connaissance du droit du travail, une grève ,un débrayage.

C’est la fonction et la place des syndicats : agir ensemble, aller dans les déserts syndicaux, appeler à la grève, accompagner, expliquer… enfin soutenir et défendre les salarié-e-s en débrayage ou en grève (si) des sanctions possibles de patrons irascibles En réalité le 9 avril a montré la faiblesse des syndicats, la petitesse des équipes syndicales à la fois concentrées sur leurs propres entreprises toujours pas en grève reconductible, ainsi que leur manque de disponibilité pour aller là où le besoin de syndicats est crucial pour accompagner une grève.
1-Quand on y regarde de plus près on note que dans de très grosses usines notamment de l’aéronautique et de l’espace la grève est rare.

La période est propice à la publication de beaucoup d’écrits, d’analyses sur le mouvement et Nuit Debout particulièrement. Nous en publions ci-dessous un certain nombre ; un a retenu notre attention,lire ici parce qu’il pose la question de l’articulation du mouvement contre la loi travail et ce qui est apparu durant ce mouvement Nuits Debout. Nous avons répondu plus haut sur l’argument de la difficulté de la grève, dans maints endroits mais cela ne peut nous exonérer de regarder pourquoi la grève ne se développe pas là où il n’y a pas à priori de « risques ».
Selon Christophe AGUITON, la manifestation, ici dans la version statique de l’occupation des places, serait donc une forme complémentaire voire supérieure à la grève parce qu’elle offrirait les mêmes besoins : une continuité dans la lutte sans les risques de répression. L’argument peut s’entendre, mais il oublie tout de même des faits essentiels, même le gouvernement Hollande n’a pas reculé face aux mobilisations de la droite contre le mariage pour tous

. Nos immenses mobilisations de 2003 et 2010 n’ont pas suffi pour gagner sur les retraites. La manifestation et l’occupation de places ne présentent aucun danger si elles ne s’accompagnent pas de fait d’un blocage de l’économie par la grève et d’une remise en cause du pouvoir. Il y a une différence fondamentale entre l’occupation de Tharir et la Puerta del sol. En Egypte, la mobilisation a débouché sur la contestation du pouvoir et de sa remise en cause entraînant des centaines de morts, pas en Espagne.
Il est essentiel d’observer le cheminement d’une mobilisation sociale ,car en effet on constate que quelle qu’en soit sa forme, elle pose à un moment donné la question du pouvoir, elle le conteste. En Espagne la question est revenue par un chemin classique, par Podémos, issue en partie des Indignés,celui-ci est un parti politique voulant conquérir le pouvoir par cette voie là. Ce n’est pas une critique mais un constat. De la même façon les mobilisations de 1995 à 2010 ont contesté les décisions des gouvernements mais par leur légitimité. Ceci pourrait être l’objet d’un débat approfondi

L’autre aspect de ce texte qui attire notre attention est celui consacré à la triple rupture, la question sociale, la loi travail, question morale, déchéance de la nationalité et les positions de Vals (réfugiés…) Nous partageons ce point de vue. En un temps très court, les conditions pour une mobilisation sociale de rue et allant au-delà de la question du départ, « Loi travail » étaient réunies. Situation qui n’a pas existé au moment des appels à mobilisation contre l’état d’urgence. Pour autant ce sentiment constaté depuis le 9 mars, « La loi El Khomri, mais pas que… » existe bien mais reste très diffus, très timide .
Comment alors passer d’une situation très éclatée où les questions politiques se traitent les unes après les autres,sans souci de lien et de logique, à une situation où ces mêmes questions apparaissent avec leur logique, leur cohérence, dans leur globalité, sans que pour autant, pour le moment, une autre logique et une autre cohérence apparaissent.
Comment passer d’une situation où les luttes sont cantonnées à l’établissement, l’usine…à une situation où le rejet massif majoritaire du texte met à l’ordre du jour une mobilisation dont la grève et sa généralisation est un élément clef.
Ce sont les questions essentielles du moment.Est-ce que Nuit Debout contribuera à résoudre ces contradictions ?

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